Mémorial numérique de Bois-Colombes

Observations sur la transcription

Fiche « Mémoire des hommes» de Raoul Allemandou (Ministère de la Défense).

Affiche pour une matinée de gala organisée par l’association «Le tricot du soldat» à Bois-Colombes, 1915 (AMBC, 9 DH 5).

Les lettres envoyées par Raoul Allemandou à sa femme Hélène présentent une image bien particulière de la vie sur le front. Comme souvent dans la correspondance des poilus à leur famille, Raoul Allemandou s’attache à décrire des événements de la vie quotidienne, comme la participation aux corvées ou la censure militaire effectuée dans la correspondance pour des raisons de sécurité (cette censure ne semble d’ailleurs pas extrêmement sévère, puisque Raoul Allemandou cite fréquemment l’endroit où il se trouve et prévient plusieurs fois sa femme des mouvements de sa troupe). De fait, ses premières lettres sont écrites en août 1914, alors que les combats n’ont pas encore commencé dans le secteur de Sens où il est stationné (la bataille de la Marne débutera en septembre). Cela explique des remarques comme «pour le moment je n’ai guère d’ouvrage bien suivi» ou «ici rien de neuf ; toujours la même vie». Mais, alors que les combats commencent, Raoul Allemandou continue à les passer sous silence, préférant simplement évoquer les victoires militaires comme la prise de Vauquois, «un véritable exploit qui peut avoir de grandes et heureuses conséquences».

Si les lettres de Raoul Allemandou ne donnent pas de détails sur ses compagnons de tranchée, la lettre envoyée le jour même de sa mort par un de ses camarades, qui s’inquiète sur son sort («aussi suis-je dans une mortelle angoisse»), ainsi que la lettre probablement envoyée par cette même personne à la femme de Raoul après la mort de ce dernier («Je perds en votre mari […] un ami parfait, un de ceux qu’on ne remplace pas») sont assez parlantes sur l’esprit de camaraderie et d’entraide, voire la profonde amitié, qui pouvait régner entre les poilus.

Il est à noter que la ville de Sens, où le régiment de Raoul Allemandou stationne jusqu’au printemps 1915, se trouve dans l’Yonne, à côté du village de Saint-Clément où il est né. Il semble que Raoul soit plusieurs fois allé visiter des connaissances (peut-être de la famille) à Saint-Clément, et, lors de son départ, il évoque avec nostalgie : «Hier soir je suis allé faire mes adieux à Saint-Clément où j'ai même dîné. Tous m'ont fait le plus touchant, le plus doux accueil.»

Pour les soldats sur le front, les liens, aussi ténus soient-ils, conservés avec leur famille, ont en effet une grande importance. Raoul Allemandou reçoit et envoie fréquemment des lettres («Merci encore pour tes bonnes lettres celle d'hier surtout qui était longue longue»), des photographies («Je te renverrai demain […] les photographies récentes que tu m'as expédiées»), et reçoit même une visite de sa famille («Je repasserai par la petite route où vous êtes venues Marthe et toi, me chercher vers Sainte-Colombe»). Les lettres tracent ainsi le portrait d’un homme très attaché à sa famille («Comme il serait heureux ton papa s’il pouvait te prendre dans ses bras et t’embrasser sur tes belles petites joues bien roses», écrit-il à sa fille), puisant du courage dans sa croyance tout en demeurant lucide sur son avenir (il demande ainsi à son ami de prévenir immédiatement sa femme s’il devait être tué).

Ces échanges fréquents permettent aussi à Raoul Allemandou de conserver un lien avec la vie domestique, «ordinaire» de l’arrière. Ainsi parle-t-il fréquemment des visites rendues ou reçues par Hélène et Marthe à des membres de la famille, des jeux de sa fille dans le jardin, ou des souvenirs liés à la fête de son épouse (c’est-à-dire la Sainte-Hélène), ou encore aux messes de Noël («j'ai chanté hier, seul au clair de lune, le Credo de Noël»). Il faut d’ailleurs noter que Raoul Allemandou, même avant la guerre, avait pour habitude de beaucoup écrire et tenait notamment un journal. Ces évocations nous donnent d’ailleurs des détails sur la vie à l’arrière. Par exemple sur la prise en charge de la gestion financière du foyer par sa femme (une tâche qui lui incombait auparavant : « Tu dois avoir encore de l’argent à la maison ; en tout cas tu en as sur ton livret et tes coupons que tu me dis avoir touchés suffiront largement pour le moment ») ou encore sur les œuvres de guerre auxquelles s’adonnent les femmes de sa famille («Je vous renouvelle mes félicitations pour votre bonne œuvre : tricots, caleçons que vous donnez»). La réalisation de tricots pour les soldats du front (pas nécessairement des soldats en lien avec la famille) était en effet courante parmi les femmes restées à l’arrière ; à Bois-Colombes, une association dénommée «Le tricot du soldat» fut d’ailleurs créée à cette période.


Les termes, parties de termes ou groupes de termes entre crochets ([terme]) sont difficilement lisibles, et leur transcription est donc incertaine. Les abréviations et termes spécifiques sont expliqués dans le lexique ci-après. Le nom de l’expéditeur et du destinataire de la lettre, ainsi que la date de celle-ci, sont indiqués en haut de chaque page de la transcription. Les notes de bas de page ont été rajoutées par le transcripteur et n’appartiennent pas au document d’origine.